Molokopo man Kali’na aulan

Pour nous, Kali’na, na’na aulan (notre langue) est un des principaux vecteurs de la transmission de notre culture. Nous revendiquons ainsi la reconnaissance et la valorisation de notre langue ancestrale pour la transmettre aux générations futures.

Culture orale

Notre société Kali’na est basée sur l’oralité, car au quotidien, elle est un médium pour échanger, enseigner, chanter, créer, etc.

La transmission des savoirs, de la mémoire à notre identité, tout se fondait et se fonde encore sur cette structuration. Ainsi, nous possédons notre propre vision du monde, du temps et de l’espace, retranscrit dans notre cosmogonie[1].

La notion de mémoire est intrinsèquement liée à l’oralité. Notre peuple se base continuellement sur la mémorisation de toutes nos sciences, qui définit la valeur et le mérite d’une communauté, d’un espace, d’un territoire, de nos aires d’influence. Plus la maîtrise de la langue est ancrée, plus la communauté est forte et apte à résister, à s’adapter aux changements venus de l’extérieur.

Mémoire

Nos sciences reposent sur nos mythes qui nous confèrent une cosmovision spécifique, différente du monde occidental. Ils ne sont pas seulement des récits, des faits et imageries spirituels, ils sont la preuve de notre empreinte passée, présente et future sur notre territoire.

Nos chants, nos danses, nos rituels, nos pratiques, nos expressions, nos jeux ou nos sports découlent de ces mythes et portent en eux la science acquise au fil des millénaires.

Toutes ces formes de récits sont empreintes de différents niveaux de savoirs, d’apprentissage.

Toute notre cosmovision est imbriquée dans une structure symbolique qui lie tous Kali’na, ses actions à notre peuple, à ce qui nous entoure (nature)et au-delà (univers), que l’on voit ou pas (monde spirituel). Notre culture se fondent sur des pratiques rythmées (cérémonies traditionnelles, rituels, chants etc.) qui nous connectent à la genèse du vivant, celui de nos aïeux, hors du temps connu.

Nos mythes traversent les temps grâce à nos traditions et sont ravivés, innovés continuellement au présent. Les sciences et la sagesse léguées par nos anciens ont trouvé leurs fondements dans nos traditions.  

Ainsi nos sciences intégrées, sont présentes et accessibles à plusieurs stades de notre quotidien et toutes rattachées entre elles. Chaque connaissance inscrite dans un domaine spécifique (cérémonie, chant, musique, conte, rites, gouvernance, chamanisme…) véhicule notre cosmovision au destinataire visé (enfants en apprentissage, familles, sportifs, allié, esprit…). Nos paroles, nos discours stimulent la pensée, l’intellect par les sons, images et symboles qui accordent une plus grande interprétation et optimisent une plus grande mémorisation.

Na’na aulan

Dans notre cosmovision, l’oralité a une force aussi palpable que l’écrit.

Na’na aulan est un élément inhérent à notre mémoire, patrimoine historique et culturel kali’na. Na’na aulan est une langue véhiculaire, vivante, qui permet d’affirmer notre identité, de marquer une vision commune à des aires d’influence aujourd’hui réparties entre plusieurs pays après le découpage territorial fait par les colons (Venezuela, Guyana, Suriname, Guyane Française et Brésil.). Elle permet aux générations de se côtoyer, de discuter, d’échanger, de parler une même langue de l’Orénoque au Maroni, du Lawa à Cottica, de l’Essequibo au Suriname river. La transmission est perpétuelle de génération en génération.

Na’na aulan est fondamentale car elle est le pilier de notre mémoire collective qui permet de maintenir le lien entre les anciennes et nouvelles générations.

Na’na aulan est le socle essentiel qui permet à notre peuple de rester uni.

Na’na aulan va bien au-delà du simple élément de langage et de communication. Tout comme la terre, elle représente pour nous un support essentiel de notre cosmovision, notre identité et notre pérennité. Elle est la forme vitale qui permet la transmission, l’apprentissage de nos savoir-faire ancestraux.

Il est donc de notre devoir de manifester la puissance de notre langue Kali’na, de la respecter, de la sauvegarder et de poursuivre sa transmission car elle fait partie intégrante de l’histoire Amazonienne.

Yannice Mɨliyum Thérèse, Consultante autochtone kali’na


[1]Théorie expliquant la formation de l’Univers, de certains objets célestes.